La situation des PME au Maroc :
Les petites et moyennes entreprises constituent fondamentalement le tissu industriel marocain avec plus de 95%et jouent un rôle primordial dans sa construction et son animation. Elles représentent de ce fait, un potentiel important pour notre pays, en raison d’une part, des potentialités qui s’offrent en matière d’investissement dans différents secteurs (agriculture, industrie, tourisme, commerce et service) et d’autres part, de l’existence de ressources humaines relativement formées,aptes à s’impliquer dans la gestion d’unités de production de taille moyenne.
Les PME constituent à cet égard, un moyen efficace pourrésorber une bonne partie des chômeurs, notamment en ville dont le taux demeure élevé. Ellesconstituent à cet effet,un facteur déterminant de la croissance économique et de la paix socialeau cours des années à venir. Elles sont à même de contribuer de manière substantielle, à la réduction du déficit en développant davantage d’exportation.
L’examen de la structure des établissements industriels fait ressortir que sur les 94.120 entreprises inscrites au fichier central de la patente, 67.237 (71,5%) emploient moins de 5 personnes, 25.750 (27,3%) emploient entre 6 et 200 personnes et 1.137 (1,2%) emploient plus de 200 personnes. La répartition du chiffre d’affaires montre que 50% des entreprises ont moins d’un Million de dirhams et 96,5% ont moins de 5 Millionsde dirhams de chiffre d’affaires. Parmi ces entreprises 73% opèrent dans le secteur tertiaire (commerce et service), 26% dans le secteur secondaire (industrie et bâtiment) et 1% dans le secteur primaire (agriculture et élevage).
Dans le secteur industriel, les petites et moyennes industries représentent 93% du total des entreprises industrielles au Maroc. Elles participent pour 80 Milliards de dirhams (20%) à la valeur ajoutée totale, emploient 1.280.000salariés du secteur(50% des salariés du secteur privé) et réalisent 110 Millions de dirhams (30%) d’exportation de produits manufacturés[1].
Par ailleurs, l’examen des liasses fiscales déposées auprès de l’Administration montre que 48% des entreprises déclarent des pertes, des bénéfices nuls, chiffres d’affaires nuls ou sont exonérées momentanément. Cela signifie que seul 52% acquittent l’impôt
Enfin, la structure des recettes fiscales montre que 90%de l’IS provient des paiements « spontanés » effectués par mois de 250 entreprises regroupant les entreprises publiques, les banques, les organismes de crédit, les compagnies d’assurances, les autres entreprises cotées ainsi que les grandes entreprises industrielles, commerciales et de services.
En ce qui concerne l’IGR, 90% des recettes de celui-ci proviennent des retenues à la source opérées sur les revenus ; cela signifie que 10% seulement de l’IGR proviennent du reste des activités patentâtes.
Quant au secteur commercial, il compte quelques 720.000[2] points de vente à travers le pays, regroupant une large gamme d’activités (commerce traditionnel, franchises, grandes surfaces, centres commerciaux …). Il emploi pas moins de 1,233 Millions de personnes, participe pour 63,2 Milliards de dirhams à la valeur ajoutée et représente 11% du PIB.
Les contraintes entravant le développement des PME au Maroc
Si les petites et moyennes entreprises représentent un potentiel important pour notre pays en termes de création de richesses et de sources d’emplois, en revanche, les nombreux avantages dont elles peuvent bénéficier par rapport aux grandes entreprises en termes de flexibilité et de capacité d’adaptation aux nouvelles technologies sont obérés du fait des handicapes suivants :
- Desstructures organisationnelles insuffisantes et fragiles (faible taux d’encadrement, forte centralisation du pouvoir décisionnel et absence de comptabilité rigoureuseau point qu’il est difficile de distinguer la situation financière de l’entreprise de celle de son/ses propriétaires);
- Des moyens techniques et humains faibles ;
- Des insuffisances en matière de formation, d’information et de maitrise de l’évolution du marché et absence d’accès aux technologiesà l’innovation et à la recherche scientifique et technique;
- Des difficultés d’accès aux ressources de financement, impliquant une sous–capitalisation souvent chronique. Les banques exigent des garantiesrédhibitoires pour les PME caractérisées par des fonds propres faibles et évitent généralement de financer certains types de PME, en particulier les nouvelles créations d’entreprises qui, bien souvent, ne présentent pas les garanties suffisantes, ou les entreprises dont les activités offrent d’excellentes perspectives de rentabilité, mais présentent un risque de perte lui aussi substantiel ;
- Uneinsuffisance d’infrastructure d’accueil en matière de terrains viabilisés et/ou locaux prêts à l’emploi ;
- Desstructures de conseil et d’encadrement appropriés, insuffisantes ;
- Uneconcurrence déloyale du secteur informelfortement ancré et d’entreprises étrangères agissant dans le cadre de la globalisation et la libéralisation des échanges, mettant souvent à rude épreuve les PME nationales sur les marchés locaux ou sur le marché intérieur;
- La lourdeur des formalités administrativeset l’opacité réglementaire entravant la création, l’exploitation et l’expansion des entreprises, et l’absence de structures institutionnelles efficaces ;
- L’inadaptation de la législation du travail à la PME, avec un code de travail pénalisant, dont l’actualisation est reportée sine die ;
- Des conditions d’accès au marché public difficiles, avec des conditions contraignantes et des procédures complexes et présentent des risques (demandes de références techniques pour de nouvelles création d’entreprises, de cautions pour participer à l’appel d’offres, délais de payement longs);
- Des rigidités réglementaireset des insuffisances du cadre juridique, outre l’insécurité juridique et judiciaire ;
- Une inégale répartition géographique avec une concentration des PME dans la région du centre qui représente à elle seule plus de 33% des entreprises de cette catégorie.
Les mesures prises par le Maroc pour la promotion de la PME
La suppression des obstacles précédents représente une tâche colossale qui appelle une vision globale du soutien aux PME. Ceciimplique l’instauration d’un environnement propice à leur développement reposant sur des institutions actives aux niveaux macroéconomique et microéconomique. L'Etat, conscient de l'importance socio-économique de la PME, a consenti des efforts non négligeablesdepuis 2002, en mettanten œuvre, en partenariat avec le secteur privé, des programmes comportant des mesures incitatives telles que la réduction de l’impôt sur les Sociétés (IS), l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’import et à l’export et des aides financières à l’installation et à la formation du personnel pour des qualifications adaptées aux besoins du secteur, outre la création de zones franches et, ce à travers les mécanismes suivants :
- Pacte « Emergence » qui vise un accompagnement des PME dans la réalisation de leurs projets d’investissement, pour une compétitivité suffisante ;
- Le Programme « Imtiaz », qui permet de subventionner les PME jusqu’à 20% de leurs investissements dans le cadre d’un contrat de croissance.
- Le Fonds Publics/privés d’appui à la capitalisation des PME, orienté capital risque, capital développement et capital transmission, en vue de soutenir l’activité d’entreprises dont la carence en capitaux propres est un frein à leur développement ;
- Le Programme « Moussanada », dont l’objectif est d’améliorer la productivité des PME à travers des programmes fonctionnels en fournissant de l’expertise et des systèmes d’information ;
- La création en 2002, conformément à la Loi 53- 00 formant charte de la P.M.E, de l’Agence Nationale pour la Promotion de la Petite et Moyenne Entreprise «ANPME» dont la mission prioritaire est de piloter et de mettre en œuvre le programme national de modernisation compétitive des entreprises marocaines dans son volet conseil et accompagnement. Une mission qui a pour objectif d’élever les niveaux de compétitivité des PME aux standards internationaux avec un ancrage plus important aux stratégies sectorielles clairement définies et déclinées territorialement.
Cependant ces mécanismes de soutien et d’assistance, bien que nécessaires et importants, ont peu de répercussions immédiates sur la mise à niveau et la promotion des PME. Car les efforts consentis à ce jour, concernant uniquement les entreprises les plus prometteuses et à fort potentiel, dont les bénéficiairesreprésentent moins de 0,3% de la totalité des PME. De ce fait,un effort supplémentaire s'impose pour une mise à niveau des PME et leur accompagnement tout au long de leur cycle de vie, en leurpermettant d'atteindre une compétitivité suffisante afin d'évoluer dans un marché globalisé.
Les mesures prises au profit des PME par les pays de l’OCDE
Des études menées au sujet du développement de la PME dans les pays de l’OCDE, font ressortir que des dispositions d’ordre institutionnel, foncier, fiscal et financier ont été généralement mises en œuvre dans le but de promouvoir cette catégorie d’entreprises.
Les principales mesures prises dans ce cadre ont concerné, dans la majorité des pays de l’OCDE :
- L’allègement des procédures administratives pour la création d’entreprises ;
- La simplification du régime fiscal applicable à ces entreprises prévoyant notamment des déductions d’impôts au titre des bénéfices investis, la réduction de l’impôt sur le capital, en contrepartie des obligationsassumées par les PME pour la réalisation d’investissements et la création d’emplois ;
- L’aide à l’acquisition de terrains, notamment dans les régions défavorisées et l’application de garanties avantageuses ;
- La création d’institutions bancaires chargées du financement des PME (cas de France, Espagne, Italie) ainsi que la promotion des fonds de capital risque et de capital développement.
- La mise en place de Fonds alimenté par des taxes et qui permet à certaines entreprises de bénéficier de prêts à taux zéro avec un payement différé d’au moins trois ans (cas de Turquie et Tunisie).
- L’utilisation d’outils promotionnels de marketing direct électronique sur internet (cas de France, Allemagne, Espagne et Italie)
Les mesures préconisées par l’OCDE destinées aux pays endéveloppement
Par ailleurs les principales recommandations destinées aux pays émergeants et/ou en développement ont été formulées dans le cadre de réunions organisées sous les auspices de l’OCDE[3]en vued’appréhender et d’exploiter les possibilités nouvelles de la mondialisation et la libéralisation des échanges qui sont synonyme de perspectives pour les PME ; mais aussi de défis à relever face aux enjeux qui se dessinent. Il s’agit de:
- « Inscrire les stratégies visant le secteur privé et les PME dans les programmes nationaux plus larges de développement et de réduction de la pauvreté. Encourager et aider les associations de PME à prendre réellement part aux dialogues nationaux qui contribuent à jeter les bases des cadres stratégiques du développement, de sorte que la contribution des PME et leurs besoins d’action et de soutien publics soient pleinement reconnus comme des éléments centraux de la croissance, de l’emploi et de la réduction de la pauvreté.
- Renforcer l’aptitude des PME à améliorer leur compétitivité sur les marchés nationaux, régionaux et mondiaux. Encourager et soutenir les associations et entreprises du secteur privé capables de fournir des informations sur les marchés et les normes, des conseils stratégiques et un accès aux technologies et à l’innovation couplés avec des propositions de financement adaptées. Promouvoir des outils tels que l’analyse de la chaîne de valeur, qui permettent aux entrepreneurs de déceler les problèmes ou défis qu’ils doivent traiter sur le territoire national et au-delà, ainsi que les types de partenaires dont l’aide leur serait utile.
- Promouvoir l’homogénéité des politiques aux niveaux régional, national et international. Travailler à appuyer toutes les démarches publiques de sorte que les politiques appliquées en matière d’échanges et d’investissement ainsi que la fixation des normes soient en phase avec les objectifs et les politiques de coopération en matière de développement. Encourager l’achèvement du cycle des négociations commerciales multilatérales, dont une réduction des obstacles aux échanges dans les secteurs manufacturier et agricole, porteurs d’avantages et de débouchés essentiels pour les pays en développement.
- Porter à son maximum le retentissement sur les PME locales des compétences et connaissances managériales dont disposent les multinationales. Le report sur les entreprises locales des compétences cognitives et managériales représente l’un des avantages les plus importants de l’investissement direct étranger pour les pays destinataires. Soutenir les cadres d’action et les actions des multinationales qui facilitent de tels retentissements, et étoffer l’information sur les cas réels afin de mieux faire comprendre au public la contribution de l’investissement direct étranger aux progrès du développement ».
Conclusion :
Le Maroc doit faire face à une conjoncture économique internationale difficile et persistante qui touche ses partenaires privilégiés. Il doit, de ce fait, faire preuve de plus de vigilance et prendre des mesures structurelles pour traverser cette période de turbulence économique. Ces mesures devraient être destinées, entre autres, à « renforcer la compétitivité de ses entreprises, la croissance potentielle, l’emploi et une politique monétaire prudente », comme cela a été recommandé par le FMI dans le cadre de la ligne de précaution et de liquidité (LPL) accordéeà notre payspar cette institution, en août 2012.
Par ailleurs, la promotion d’emploi au Maroc, notamment pour le jeune étant un facteur essentiel de stabilité et de paix sociales, devrait demeurer une des premières priorités pour le pouvoir public. La source de création d’emplois ne peut parvenir que du secteur privé au regard des potentialités très limitées de l’Administration. L’effort consenti par l'Etat dans l'amélioration de l'environnement industriel et le développement des capacités productives devrait se poursuivre au profit desPME. Celles-ci, constituant l’essentiel du tissu économique, resteront le moteur de l'économie nationale et le vecteur de son expansion, à travers le développement des capacités industrielles et la promotion de l’investissement. Elles sont unesource importante pour la promotion socialeet la création de richesses si des mesures incitatives adéquates sont prises et mise en œuvre par le pouvoir public. Celui-ci en tirerait un profitnon négligeable,non seulement aux plans microéconomique et macroéconomiquemais plus particulièrement aux plans social et financier, contribuant ainsi à la réduction de la pauvreté.
L’Agence Nationale pour la Promotion de la Petite et Moyenne Entreprise «ANPME» vient d’entamer sa deuxième décennie depuis sa création en 2002. Il serait opportun de procéder à une évaluation de son action et de l’efficacité et l’efficience des mécanismes mis en place par le pouvoir public pour promouvoir les PME. Cette évaluation devrait permettre de consolider les acquis en aidant les PME innovantes à atteindre un niveau de compétitivité qui leur permet de s’intégrer dans la chaine des valeurs à l’échelle internationale. Mais aussien palliantaux insuffisances par une intégration dans le secteur formel du plus grand nombre d’entreprises relevant du secteur informel et en apportant une aide substantielle aux PME, à travers les institutions nationales impliquées dans la lutte contre la pauvreté, notamment pour les entreprises employant moins de 5 personnes tout en aidant les PME à fort potentiel à devenir plus compétitives.Car leur compétitivité est de nature à contribuer substantiellement à la création d’emplois, au développement économique et social et de surcroit à la réduction de la pauvreté.