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A NE PAS RATER …L’indépendance de la justice au Maroc et la probité des magistrats… AVEC JILALI CHAFIK

La réforme du système judiciaire : …..

La nouvelle constitution adoptée en 2011, a introduit une innovation importante; celle de faire de l’autorité judiciaire un véritable pouvoir indépendant aux côtés des pouvoirs législatif et exécutif. Le principe d’indépendance de la justice constitue un aspect particulier du principe de la séparation des pouvoirs, consacré par l’article 107 de la Constitution. Celui-ci spécifie que «le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif». Le juge ne serait donc soumis à aucune autorité à même de compromettre son indépendance et son impartialité. L’article 109 de la Constitution souligne, à ce titre, qu’«est proscrite toute intervention dans les affaires soumises à la justice. Dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir d’injonction ou instruction, ni être soumis à une quelconque pression». Ainsi, l’indépendance du juge le met à l’abri de toute pression, dans la mesure où il ne reçoit d’ordre de quiconque, encore moins de ses semblables.

Certes, c’est une grande satisfaction que l’indépendance du pouvoir judicaire est constitutionnellement reconnue. Mais la vraie satisfaction, reconnue également constitutionnellement, est que le Souverain qui préside le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) qui remplace le Conseil supérieur de la magistrature, soit le garant de cette indépendance. Cette mission est dévolue au Sa Majesté́ le Roi en vertu des dispositions constitutionnelles qui spécifient que le Souverain assure la représentation suprême de la Nation et veille au respect de la loi fondamentale et au bon fonctionnement des institutions de l’Etat. Car le rôle joué par le Souverain dans ce cadre ne peut se cantonner à sa seule fonction exécutive. Il est aussi le régulateur du pouvoir judiciaire, en plus de ses prérogatives gouvernementales et d’arbitrage.

A cet égard, les personnes mal intentionnées peuvent interpréter de manière tendancieuse cette disposition comme étant un amalgame voire une interférence dans d’indépendance entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judicaire. Or il s’agit d’une disposition hautement significative, puisque les jugements prononcés par les tribunaux sont rendus et exécutés au nom du Roi (article 124), compte tenu de son rôle de garant de l’indépendance de la justice, et ce, en vertu de la loi qui constitue une source légitime traduisant la volonté du peuple.

En vue de mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles, visant notamment à mieux consolider l’indépendance de la justice au Maroc, Sa Majesté le Roi a procédé le mardi 8 mai 2012, à l’installation de la Haute Instance du Dialogue National sur la Réforme de la Justice. L’objectif assigné à cette Instance réside dans l’élaboration « d’une charte nationale, avec des objectifs clairs, des priorités, des programmes et des moyens de financement précis et des mécanismes de mise en œuvre et d’évaluation rigoureux ». La composition de cette instance est assez rassurante au regard des personnalités qu’elle réunit, dont la probité est irréprochable. Elle compte des magistrats, un ancien Ministre du département, des opérateurs économiques et des praticiens du domaine juridique, ainsi que des personnalités neutres. La Haute Instance a pour ambition de mener une réforme profonde et globale du secteur de la Justice selon le principe constitutionnel. Un premier projet de la charte d’une telle réforme est déjà publié par la Haute Instance. Il a agi sur les divers aspects du système judicaire.

Ainsi, le poste de président-délégué du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire est désormais attribué à un magistrat, au lieu et place du Ministre de la Justice. Cette disposition prémunit le secteur de la Justice contre toute ingérence du pouvoir exécutif, au regard de la mission du Conseil qui consiste en la nomination et la sanction des juges. La subordination du ministère public et de l’inspection judiciaire au Ministre de la Justice qui supervise également la gestion de la carrière professionnelle des magistrats est désormais abolie. L’article 110 du texte constitutionnel stipule que «Les magistrats ne sont astreints qu’à la seule application de la loi. Les décisions de justice sont rendues sur le seul fondement de l’application impartiale de la loi».

En outre, de nouvelles dispositions constitutionnelles relatives au statut des magistrats consacrent leur inamovibilité instituée par l’article 108 de la Constitution et consolide davantage son indépendance à l’égard des autres pouvoirs, constituant ainsi un gage de leur indépendance statutaire. De ce fait, les magistrats jouissant d’une protection du droit intrinsèque à la nature de leur activité, sont à l’abri de toute menace de congédiement arbitraire par le pouvoir exécutif. Ils ne peuvent être ni suspendus, ni rétrogradés, ni même révoqués sauf en cas de faute grave. Par contre, ils sont passibles de sanctions sévères en cas d’impartialité avérée.

Ces nouvelles dispositions constitutionnelles consacrent le principe de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice en interdisant par ailleurs, aux magistrats la possibilité d’adhérer à des partis politiques ou à des syndicats, étant donné qu’une telle approche est de nature à altérer cette indépendance en cas d’appartenance à une formation partisane.

Aussi, au plan constitutionnel, les dispositions mises en place garantissent-ils sans équivoque l’indépendance du pouvoir judiciaire marocain. Cette action réaffirme davantage l’Etat de droit dont le Maroc œuvre inlassablement pour son institution, sans oublier que le pouvoir judiciaire tout en étant indépendant, est soumis au caractère souverain de la loi qui est l’émanation des représentants du peuple exprimée par le pouvoir législatif.

D’un autre côté, la nouvelle constitution s’intéresse aussi aux justiciables en spécifiant dans l’article 121 que « la justice est gratuite pour ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour ester en justice ». Mais la grande nouveauté à cet égard réside dans la mise en œuvre de l’article 122 de la constitution, qui souligne que « les dommages causés par une erreur judiciaire ouvrent droit à une réparation judiciaire ». L’Etat enfin, reconnaît que sa justice n’est pas infaillible et accepte de réparer les conséquences fâcheuses de ses erreurs.

Mais la question importante qui préoccupe aujourd’hui est celle de savoir si le pouvoir judiciaire est à même d’assumer cette fonction d’indépendance comme il se doit. En d’autres termes, les magistrats sont-ils irréprochables au plan moral pour assumer cette fonction ?

….L’état des lieux :…..

Le système judiciaire au Maroc compte 3.448 juges opérationnels dont 137 exerçant dans l’administration centrale ou comme conseillers auprès de certains pays du Golfe. Ceci représentant en moyenne, 10 juges pour 100.000 habitants . Notre système a connu au fil des ans, la réalisation de reformes importantes, matérialisées par la promulgation de législations avancées dans divers domaines et dispose de magistrats ayant des compétences et d’expertises de haut niveau, outre l’accumulation d’expérience riche de jurisprudence.
Néanmoins, malgré́ les importants acquis, le système judiciaire continue à être entaché de dysfonctionnements, de faiblesses et de manquements qui couvrent plusieurs de ses aspects. Selon le diagnostic établi par la Haute Instance du Dialogue National sur la Réforme de la Justice, il se dégage : « qu’en plus de la lenteur et la complexité́ qu’il connait, et de ce qu’il présente comme manque de transparence et de carence de gestion moderne, les dysfonctionnements les plus dangereux du système judiciaire sont l’existence de certaines pratiques perverses qui ont touché les différentes composantes de la Justice, et qui ont fait perdre, parfois, aux justiciables la confiance dans leur Justice, masquant ainsi ses aspects radieux et les conduites de ses femmes et hommes intègres méritant tout estime ».
Partant de ce diagnostic, il s’avère que la situation actuelle de la juridiction marocaine n’est pas réjouissante. Tous les indicateurs relatifs à la probité de certains de nos magistrats ne sont malheureusement pas satisfaisants. La justice constitue bien un domaine qui n’inspire pas de confiance chez le citoyen marocain.

A cet égard, le Conseil d’Europea livré un rapport sur son évaluation et ses recommandations sur les mesures anti-corruption annoncées par le Maroc. Ce rapport est l’aboutissement du “diagnostic du cadre légal et institutionnel anti-corruption du Maroc”. Il est très critique, notamment à l’égard de la justice et des forces de sécurité. Il consacre un large pan à la corruption dans ce secteur
en soulignant “qu’il n’y a pas à ce jour, une politique nationale de lutte contre la corruption”, et stigmatise l’absence d’objectifs et de moyens humains, financiers et logistiques clairement identifiés. Il s’intéresse aussi au cadre législatif et aux dispositions à mettre en œuvre pour les améliorer.

En outre, le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) ne cesse de sanctionner des juges pour différentes irrégularités. Il s’agit notamment des cas de corruption, d’abus de pouvoir, de grave atteinte à l’honneur de la profession et d’enrichissement illicite. Le communiqué du CSM datant du 4 mai 2015 a décidé de révoquer à des degrés différents, 8 magistrats accusés de défaillances professionnelles. Celui du 18 février 2014, indique que 12 magistrats ont été sanctionnés à des degrés différents dont certains ont été radiés ou suspendus momentanément et ce, à la suite « d’actes affectant sérieusement la réputation et l’honneur du système de la justice ». en 2013, 26 magistrats ont comparu devant le Conseil pour conduite contraire à l’éthique ou à la morale, et dont les sanctions prises à leur encontre sont allées de l’avertissement à la radiation. En 2011, huit juges suspendus pour des affaires de corruption, 44 magistrats sanctionnés et 650 avertis. Ces chiffres donnés par le CSM expriment une idée de l’étendue du problème. Aujourd’hui, pour s’adresser à la justice, il faut trouver le moyen d’acheter un juge, même si votre cause est irréprochable. Ceci est malheureusement devenu monnaie courante au Maroc et parler de l’indépendance de la justice risque de reléguer au second plan la réalité amère du phénomène de corruption.
Les cas de dysfonctionnement de notre système judiciaire sont nombreux, à commencer par les témoins stipendiés qui font de ce noble acte leur gain pain et certains avocats malintentionnés qui évoquent dans leurs rapports des arguments erronés et fallacieux dont l’objectif est d’induire le tribunal en erreur; ce qui fait perdre davantage de confiance des citoyens dans notre justice. Les auteurs de ces dysfonctionnements (juges, procureurs et membres de la police judicaire et autres) ne se sont certainement pas inquiétés de sanctions, car ils ont pris toutes les dispositions pour préserver la façade et se rendre irréprochables, sans se rendre compte que leur réputation et leur honneur sont altérés et affectent sérieusement la réputation et l’honneur des magistrats qui agissent avec probité et de tout le système judiciaire. Les exemples vécus de tels disfonctionnements sont nombreux, mais je m’abstiendrai volontiers de les citer pour couper court à des interprétations malveillantes ou à des supputations débordantes concomitantes à des règlements de compte ou à des attaques personnelles.

L’indépendance du système judiciaire relèvera-t-elle le défi de réduire tout au moins, l’ampleur du phénomène de la corruption de notre système judicaire, composé des membres de la police judiciaire et des magistrats ?

Il serait prétentieux de répondre positivement à une telle question. L’indépendance du système judicaire est certes nécessaire mais elle n’est nullement suffisante pour atteindre l’objectif d’un jugement équitable et irréprochable pour les citoyens. Il aurait fallu des mesures encore plus draconiennes pour lutter contre le phénomène de corruption dans le système judicaire. Car ce phénomène a pris énormément de l’ampleur et les sanctions prises à l’encontre des contrevenant ne représentent qu’une infime partie, en raison du manque de données statistiques fiables et cohérentes ; sachant que les personnes corrompues prennent souvent des dispositions pour dissimuler leurs actes malveillants.

….Conclusion….

La charte élaborée par la Haute Instance de Dialogue National sur la Réforme Judicaire a pris des mesures audacieuses pour un système judiciaire équitable au service du citoyen et le pouvoir constituant marocain a pris toutes les dispositions nécessaires afin de garantir une justice indépendante. Les dispositions constitutionnelles en vigueur sont cohérentes et complètes pour moderniser notre système judiciaire et le porter au niveau de ceux des pays réellement démocratiques.
Les membres du Conseil Supérieur du pouvoir judiciaire déploient d’intenses efforts et n’hésitent pas à sanctionner les contrevenants pour redonner confiance aux justiciables dans notre justice.

Cependant, il est une nécessité impérieuse d’accompagner ces actions par des mesures relatives à la moralisation du système judiciaire à tous les niveaux. Parmi ces mesures anti-corruption, l’élaboration et la publication par la Cour des comptes, des rapports détaillés sur l’enrichissement illicite des magistrats et l’introduction des dispositions législatives qui reconnaissent et condamnent l’infraction d’enrichissement sans juste cause, constituent une priorité. A ce titre il y a lieu de revoir le système actuel de déclaration de patrimoine qui reste inefficace et très formel. Il y a lieu également de prendre des dispositions draconiennes vis à vis des témoins stipendiés et des avocats qui, au lieu d’aider le tribunal à mettre en exergue la vérité, cherchent à l’induire en erreur.

Le Maroc doit s’atteler à relever l’un des plus grands défis de son histoire contemporaine, celui d’être jugé de manière impartiale dans le cadre d’un procès équitable, permettant au citoyen de rétablir la confiance dans la justice de son pays. Car le progrès en général et le développement économique en particulier, sont indéniablement liés à un système judiciaire impartial et efficace.

L’indépendance et la moralisation du système judiciaire constitueront sans aucun doute, un levier important dans le changement des mentalités et réduiront de manière drastique la pratique de la corruption qui prend de plus en plus de l’ampleur et qui porte préjudice à l’éthique et à la morale de la vie publique dans notre pays.

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